mercredi 12 octobre 2022

Stratégie cantonale biodiversité

 

Les GPClim-Fribourg prennent position

sur la « Stratégie cantonale biodiversité »

 

Le canton de Fribourg a mis en consultation sa Stratégie cantonale biodiversité (SCB). Le groupe fribourgeois des GPClim a examiné attentivement ce projet et a produit à fin septembre 2022 une prise de position qu’il a partagée avec l’association « Parents pour le climat » (ci-dessous). Ce texte de cinq pages n’aborde pas toutes les 47 mesures proposées par la SCB, mais se limite à une appréciation globale du projet, qu’on pourrait résumer ainsi : la SCB est un premier pas nécessaire, mais les objectifs et les mesures qu’elle propose sont nettement insuffisants pour répondre au constat alarmant sur l’état de la biodiversité dans le canton.

 

On peut consulter le projet du canton (47 pages) ici (si impossible d'ouvrir, copier le lien et le coller dans votre navigateur):

 https://www.fr.ch/sites/default/files/2022-06/strategie-cantonale-biodiversite.pdf

 

Pour aller plus loin et consulter le rapport technique à la base de la SCB (179 pages), on peut le télécharger ici :

https://www.fr.ch/energie-agriculture-et-environnement/faune-et-biodiversite/strategie-cantonale-biodiversite,

puis en cliquant sur « Rapport technique et synthèse ».

 

Voir la prise de position des Grands-parents pour climat sur la Stratégie cantonale biodiversité (SCB):

 

Grands-parents pour le climat – Fribourg

STRATÉGIE CANTONALE BIODIVERSITÉ CONSULTATION PUBLIQUE

Prise de position sur la version 01.06.2022 

En préambule

Les Grands-parents pour le climat – Fribourg (GPClim) saluent la décision du canton de se doter d’une Stratégie cantonale biodiversité (SCB). Celle-ci constitue le dernier maillon d’une série de plans, programmes et stratégies censés permettre de répondre à la crise environnementale, de respecter les accords de Paris sur le climat et de mettre en œuvre les objectifs de développement durable de l’ONU.
Les GPClim relèvent l’engagement et le sérieux des personnes, membres de l’administration cantonale ou provenant de l’extérieur, qui ont procédé à la recherche de données, à leur analyse et à leur synthèse, ainsi qu’à la rédaction des différents rapports publiés.
La présente prise de position concerne les grandes lignes de la SCB, telle qu’elle est présentée dans le document mis en consultation. Sauf exception, nous avons volontairement renoncé à nous prononcer sur le détail des différences mesures, réservant nos commentaires et nos propositions à la philosophie de la SCB, à la nature de ses objectifs, à sa mise en œuvre et aux liens nécessaires entre la SCB et les autres politiques environnementales.


En deux mots : la montagne a accouché d’une souris
Pour qui a lu l’excellent rapport technique paru en mars 2021, il est clair que l’état de la biodiversité dans notre canton est préoccupant et qu’il est urgent de remédier à cette situation. C’est le but d’une stratégie cantonale en faveur de la biodiversité.
Force est malheureusement de constater que le document mis en consultation n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Les mesures proposées sont largement insuffisantes, tout comme les ressources humaines et financières prévues. En plus, on observe un mélange entre ce qui devrait de toute manière être réalisé de par les obligations légales en vigueur et ce que la SCB doit promouvoir « en plus ». Il serait donc nécessaire et bienvenu de faire la différence entre, d’une part, les
mesures et moyens qui s’inscrivent dans la mise en œuvre des obligations légales et, d’autre part, ceux qui proposent d’« aller plus loin ». Enfin, le suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité est présenté de manière floue. Mais comment pourrait-il en être autrement quand la SCB ne comprend pratiquement aucun objectif chiffré ?


État des lieux
Le rapport technique développe abondamment l’état catastrophique de la biodiversité dans le canton. Il est regrettable que la SCB résume cette réalité en moins d’une page sous 

« Méthodologie ». Il manque un chapitre complet sur l’état la situation actuelle dans le canton, avec davantage d’indicateurs propres à définir l’état de la biodiversité, avec des comparaisons intercantonales mises en relation avec la situation nationale.
Plus regrettable encore le fait que « ce constat alarmant » ne débouche pas, dans 

« Objectifs et mesures », sur des propositions qui permettraient de lutter efficacement contre les « menaces mises en évidence » et portant sur « la pression des infrastructures de transport, de l’exploitation agricole et du dérangement humain sur les milieux naturels dans le canton de Fribourg » (p. 7).


Disparition des objectifs opérationnels
La question des objectifs montre une fois de plus le fossé qui sépare le rapport technique et la SCB. Dans la version finale mise en consultation, les objectifs opérationnels clairs et chiffrés du rapport technique n’ont pas été repris, ce qui rend toute évaluation, toute définition de jalons intermédiaires quasiment impossibles.


Manque d’ambition des mesures
Pourquoi de nombreuses mesures concrètes, réalistes et efficaces pour conserver et favoriser la biodiversité dans le canton, telles qu’elles figurent dans le rapport technique (annexe numérique B), n’ont-elles pas été reprises dans la SCB ? Quelques exemples : création de zones de tranquillité pour la faune, soutien à la transition vers l’agriculture biologique, délimitation de sites marécageux d’importance cantonale. La nouvelle version de la SCB qui sera élaborée à l’issue de la présente consultation doit absolument reprendre ces mesures indispensables. Nous souhaitons de plus connaître les raisons de leur disparition, de même que de la non-reprise des objectifs opérationnels mentionnés ci-dessus. Transparence oblige.

Liens entre biodiversité et climat
Biodiversité et climat sont intimement liés. La biodiversité souffre du dérègle- ment climatique, mais en la protégeant, on concourt à la captation du carbone et donc à l’atténuation du changement climatique. La SCB devrait par conséquent davantage viser à la restauration des écosystèmes dégradés (pourquoi l’objectif chiffré d’au moins 15% figurant dans le rapport technique n’a-t-il pas été repris ?). L’agriculture intensive a aussi un impact défavorable à la fois sur la bio- diversité et sur le climat. Pourquoi ne trouve-t-on pas des mesures fortes pour favoriser de petites exploitations biologiques proches de la nature ?
D’autre part, la coordination entre la SCB et le Plan climat cantonal devrait être améliorée. (La même remarque est valable à propos de la Stratégie du développement durable, du Programme bâtiments et de la Stratégie énergétique.)


Combattre les politiques qui nuisent à la biodiversité
Une des plus grandes faiblesses de la SCB est l’absence de mesures visant à lutter contre les politiques qui nuisent à la biodiversité. Sur un territoire déjà fortement compartimenté, la planification de nouvelles routes (liaison Marly-Matran, routes de contournement par exemple) ne peut qu’affaiblir la biodiversité.
La politique routière n’est pas seule en cause. D’autres politiques pouvant nuire à la biodiversité devraient faire l’objet d’une réflexion dans la SCB, comme la promotion de l’agriculture intensive et la construction d’infrastructures touristiques ou énergétiques.
Il en va de même à propos de toutes les subventions (fédérales ou cantonales) et incitations financières qui nuisent à la biodiversité. Une étude publiée en 2020 évalue à 160 le nombre de ces subventions et à 40 milliards de francs les montants engagés (https://www.wsl.ch/fr/projets/incitations-dommageables-a-la-bio-diversite.html). Il aurait été utile d’estimer la part de notre canton dans ce gâchis et de proposer des mesures visant à combattre ce phénomène. C’est pourquoi nous suggérons d’ajouter la mesure suivante lors de la version révisée de la SCB : « Identification des subventions et incitations financières néfastes à la biodiversité et établissement d’un calendrier pour les abolir au plus vite ».


Des moyens financiers et humains dérisoires
Alors qu’il est précisé très honnêtement que « les ressources investies jusqu’à aujourd’hui pour faire face à la dégradation de la biodiversité n’ont pas permis de respecter les bases légales existantes et les engagements du canton et sont de ce fait jugées insuffisantes », ce qui explique « en grande partie que le canton de Fribourg soit très mal classé au niveau national par rapport à la mise en œuvre des mesures de conservation de la biodiversité » (p. 35), la stratégie mise en consultation prévoit un montant supplémentaire moyen de 3,6 millions de francs par année. Nettement insuffisant. En matière d’emplois en équivalents plein temps (EPT), elle table sur l’engagement de 12,4 EPT en moyenne annuelle
jusqu’en 2028, dont 3,9 EPT seulement en contrats à durée indéterminée. Pourquoi ne pas fidéliser toutes ces personnes déjà trop peu nombreuses ?


Suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité
On retrouve dans la SCB la même lacune déjà soulevée par les GPClim dans le Plan climat cantonal (« Monitoring du plan de mesures ») : Pour procéder à ce suivi, il est nécessaire que les effets des mesures soient évalués à intervalles rapprochés et réguliers. La nécessité d’ajustements de la mise en œuvre des me- sures devrait être régulièrement évaluée. Une telle évaluation ne peut se faire sans indicateurs (surfaces et nombre d’objets concernés par les mesures, pourcentages de réduction des effets néfastes, nombre d’espèces menacées, etc.)1. Or la SCB, à part une allocation de ressources humaines et financières différenciée suivant les années (2022 à 2028), ne fixe aucun objectif quantitatif intermédiaire. Et elle ne dit rien sur l’après-2028, si ce n’est qu’elle esquisse une vision pour 2035 censée « guider l’action de l’État dans les différentes politiques sectorielles dans les années à venir et orienter le choix de mesures qu’il convient de mettre en œuvre » (p. 8).


Pour que cette vision 2035, que nous soutenons, puisse être devenue réalité à la date souhaitée2, il ne suffit pas de réaliser un suivi tel que nous le proposons ci-dessus dans le seul cadre de la SCB, mais en cohérence avec toutes les poli- tiques sectorielles touchant à la biodiversité. Nous avons bien compris que c’est l’ambition de la mesure M7-1 (Création d’un groupe interservices biodiversité, piloté par le SFN), mais nous pensons que celui-ci doit pouvoir s’appuyer sur une « Commission consultative de l’État, représentative des milieux concernés par la biodiversité ».


Aide aux communes
En tant que collectivités publiques, les communes jouent un rôle primordial dans la mise en œuvre des politiques du canton. La biodiversité ne fait pas exception. Ainsi qu’il est précisé en p. 42, elles seront impactées par plusieurs mesures. A notre avis, il est essentiel qu’elles jouent un rôle actif et qu’elles prennent des mesures correspondant à leur spécificité de collectivités locales. Il importe donc que le soutien apporté par le canton les incite fortement à jouer ce rôle. Ce sou- tien ne doit pas se limiter à des conseils ou à la mise à disposition de données de base, il doit être financier. A l’instar de la mesure M4-13, qui prévoit une augmentation de la part subventionnable pour la revitalisation des eaux, le soutien devrait comprendre des subventions conséquentes (au minimum 50% du coût des mesures).

1 Les indicateurs devraient être définis préalablement et pas seulement une fois créé le groupe interservices tel que précisé à la mesure M7-1 p. 33).
2 La vision 2035 serait encore renforcée si elle se terminait ainsi : « La biodiversité est devenue (au lieu de : devient) une préoccupation majeure dans les différentes politiques publiques ».

 
Conclusion
La crise de la biodiversité s’inscrit dans le cadre d’une crise environnementale généralisée. Pour la combattre, il est nécessaire de s’attaquer à toutes ses causes. Mais comment y parvenir sans mobiliser toute la société ? C’est la tâche du canton d’organiser cette mobilisation, qui devrait aller bien plus loin que la création d’un groupe interservices (comme le prévoit la SCB) et d’une commission consultative (que nous proposons). Pour lancer le processus, nous proposons d’élargir l’idée que nous avions lancée en conclusion de notre prise de position sur le Plan climat (organiser des États généraux du climat dans et pour le canton de Fribourg ») : le Conseil d’État est chargé d’organiser en 2023 des « États généraux de l’environnement dans et pour le canton de Fribourg ».
 

Fribourg, le 30 septembre 2022
Grands-parents pour le climat – Fribourg p.a. Jacques Eschmann
Grand-Rue 15
1700 Fribourg 

jacqueschmann@bluewin.ch